Poèmes: Un Dieu est sur la croix / Le regard de Salomé
Sujet de l'atelier: la forme, poésie, le fond, amour et apocalypse.
L'Amour divin, d'abord, dans la souffrance et le sacrifice, ultime. L'amour du vain, charnel et naufragé, mythique, ensuite.
Un mouvement une marche ajournée
Qui jamais ne reprendra
Qu’est-ce ? Des jambes immobiles,
La glaise qui les modèle
Les sculpte et puis les fige.
Un homme est sur la croix ;
Qui nous jugera ?
Vautours sans ailes pantins cloués
Sans plus de fil, affaissés
Qu’est-ce ? Des bras brisés,
Le souffle venu d’en haut
Jusqu’ici-bas les chasse.
Un homme est sur la croix ;
Qui, dis, nous jugera ?
Quelques cendres rougeoyantes
De la suie ensanglantée
Qu’est-ce ? un ventre autrefois palpitant
Les flammes éperdument
Le dévore toujours et encore.
Un homme est sur la croix ;
Qui, dis-moi, nous jugera ?
Deux billes gouttant d’eau jaillissante
De vrais torrents plutôt que larmes
Qu’est-ce ? Mes yeux percés et que débordent
Les flots furieux du repentir
Qui délugent le Monde.
Un Dieu porte sa croix ;
Quelqu’un, tu crois, nous jugera ?
Le regard de Salomé
Cache tes yeux, ma Salomé,
Dedans j’y vois Baudelaire
Ivre de tes sens, crachant
Sur cette lune, reniant son Dieu
Sublime assassin
-de ta pureté déjà perdue.
Ma guerrière, ma conquérante,
Tu aurais offert à Musset
La plus fiévreuse des souffrances
Et même la muse, ma Salomé
-n’aurait pu être ta rivale.
Apollinaire t’aurait faite
De calligramme, mais le dessin
De tes doux seins, nymphe oubliée,
Ne connaîtra jamais
-les infortunes d’aucune vertu.
Ardente bouche à peine éclose
D’un Verlaine ou d’un Hugo
Tu aurais allumé la plume,
Aurai franchi de tes deux mains
-Le désir plein de jouissance pâle.
Cache tes yeux, ma Salomé,
Ils sont bien pires que tes reins !