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22 octobre 2011

Défilé : Ombres de personnages

 L'art de croquer en une phrase, dans une courte nouvelle. Et moi?
"Celle qui... écrit?"

A la queue leu-leu

Ce n’est pas moi qui l’ai voulu ainsi. J’aurai tant aimé que cela se passe autrement. Depuis le temps que j’y pensais, que j’en rêvais ! Je voulais quelque chose d’unique, d’inoubliable, de romantique et de délicat… Comme les choses seraient différentes, si je pouvais revenir en arrière ! Je ne ferais plus jamais confiance qu’à moi. Croyez-moi, je vous en prie. Je ne peux pas porter plus longtemps ce fardeau, cette culpabilité. Non, je n’étais pas d’accord !  Je ne voulais pas!

 C’était le jour de mon mariage. Celui qui aurait dû être le plus beau de ma vie… Tout était absolument parfait, je rêvais éveillée. Dans ma robe virginale, j’étais Cendrillon le soir du bal. Je vous passerai les détails qui n’ont d’importance que pour moi : la magistrale cérémonie à l’église, les milles bougies qui décoraient les pavillons de fête, la douce mélodie  des violons lorsque j’entrai dans le jardin…

 Tout n’était que grâce et féerie. Jusqu’à ce terrible moment où je suis montée dans une des chambres pour chercher un gilet. Je les ai vus par la fenêtre. Et tout à basculé. Le jour de mon mariage, que j’avais prévu –depuis des mois !- jusque dans les moindres détails afin d’en faire un instant éternel de pureté, d’élégance et de raffinement, ce jour-là, vous dis-je, se transforma en cauchemar : mes invités, triés sur le volet, s’égosillaient plus fort que ne jouaient les violons, chantant et dansant « à la queue leu-leu… ààà la queuuue leu-leu… àààà ààààà… Tout l’monde s’éclate, à la queue leu-leu !!! ». Tous, se tenant par la taille ; pour les « messieurs » chemises ouvertes et cravates défaites, pour les « dames » bas qui roulaient sous les genoux et chignons de travers… Je revois encore leurs visages rougeauds comme des… des derrières, leurs bedaines proéminentes tressauter telles des flans… et leurs rires,  leurs rires si  vulgaires dont les éclats écorchaient mes tympans !

Cette triviale farandole zigzaguait comme un ivrogne boiteux à travers les bouquets de lys et d’orchidées… Dieu ! Comme j’aurai aimé les tuer ! Mais mon éducation ne me le permettant pas, j’ai sorti mon PDA et effacé, un à un, tous leurs noms de mon répertoire et  me suis promis de ne plus jamais les prononcer; durant ce meurtre symbolique, les larmes glissaient le long de mes joues, laissant derrière elles des traînées de fard non Waterproof.

Plus je les regardais, plus la nausée refluait de mon ventre à mes lèvres… l’instigateur de tout cela semblait être Celui qui ne quittait jamais son vieux collant de laine sous son costume « parce qu’il était frileux », puisqu’il était en tête de leur ignoble chenille.

Celle qui n’enlevait son blouson que pour prendre sa douche (et encore) se collait à lui avec une attitude qui démontrait combien sa pudibonderie était feinte.

La suivante elle aussi était d’une hypocrisie monstrueuse ; il s’agissait bien entendu de Celle qui piquait les étiquettes de vêtements haute couture pour les greffer à ses tenues Kiabi. Derrière elle, venait Celui dont la prolixité n’avait d’égal que son ego, suivi de très, très près par Celle qui n’utilisait que des mots de trois syllabes et plus, avec qui je m’entendais si bien pourtant !

A ces premiers félons, vinrent s’ajouter moult et moult autres personnages ; mon désespoir s’amplifiait au fur et à mesure que cette bête humaine s’allongeait. A l’inverse, mon fichier de contacts, lui, diminuait comme peau de chagrin. Et c’est bien de cela dont il s’agissait : comme le cuir du chamois balzacien, c’est toute ma vie qui se rétrécissait.

 Quelle horreur de voir ainsi Celle qui était la preuve, du moins le pensais-je, que la taille du cerveau n’est pas forcément inversement proportionnelle à celle de la poitrine ! Elle se déhanchait telle un pingouin sur la banquise entre Celui qui, dans l’intimité, traitait sa femme de « pédé » et Celle qui accordait toujours la couleur de ses cheveux à celle de ses vêtements.

 Je ne m’écroulais cependant complètement, que lorsque je vis ma propre mère, Celle qui avait refusé la retraite parce qu’elle n’était pas vieille, mon propre père, (je n’avais pas pu faire autrement que de l’inviter), Celui qui fourrait son moignon de doigt dans sa narine pour faire croire qu’il se grattait le cerveau, et ma propre sœur, Celle qui n’avait jamais compris que nous ne souhaitions pas, Dieu nous en garde !- nous syndiquer, se trémousser en queue de file !

Je sombrai alors dans un anéantissement sans pareil, tombai à genoux, et restai ainsi, immobile, figée, durant des minutes qui me parurent des heures. C’est alors qu’Il entra, Lui, Celui qui avait invité tous ces gens, m’asséner le coup de grâce.

 « Tu viens t’amuser avec nous, chérie, on fait la queue Leu-Leu ?! »
 
Oui, lui, Celui qui le jour même de nos noces devint mon ex-mari,  entra  chemise ouverte et cravate défaite, le visage rougeaud comme un derrière.
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