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Ex Libris Meis
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23 octobre 2011

La bienveillance


Focus: Un zoom sur la bouche, un sourire – un peu forcé, donner envie-  un; encore un cran, on voit les lèvres et le combiné, deux ; et puis un dernier, trois : on devine la langue à  peine.

Ligne grise

10, 30 personnes dans la journée – et pourtant je les aime, ces gens. Je ne les connais pas, et pourtant je les connais un peu : le lycée de campagne, où ils ont passé un bac A2 « comme on disait à l’époque », l’année à trimer comme un fou pour avoir son année de prépa « étoile » et finir en fait en fac d’éco au fond de l'amphi, les jobs de malbouffe, le premier CDI « dans une entreprise familiale ».
Comme un médecin qui palpe, qui ausculte, je tâte le poul de leur espérance, expérience.

Ma vie, c’est de rencontrer ces gens. D’aller chercher ce qu’ils ont « dans le ventre ». Ma vie, c’est un combat diffus : convaincre.
Convaincre de se mettre à poil devant une parfaite inconnue. Je leur dit, et c’est vrai : je veux vous connaître. Je veux voir derrière le masque, derrière la carapace. Mettre le doigt dans la fissure, dans la plaie. Pas parce que ça fait mal mais parce que ces gens me fascinent.
Leurs modes de pensée, de fonctionnement, leur compréhension du monde ; qu’est-ce qui fait l’humain ? qu’est-ce que nous partageons tous ? Pas grand’chose en fait. Et pourtant, moins encore de choses qui nous unicisent. Les mêmes mots, les mêmes aspirations nichés au creux de la chair d’une femme de 30 ans de 40 ou d’un garçon de 20 ans, d’un homme de 50.
Dans l'intimité de notre tête-à-tête, ce même plaisir à être écouté, mais surtout entendu : cette satisfaction de voir que pendant une heure, ils comptent. Oui, ils comptent, vraiment : J’ai la chance de voir l’humain sans maquillage.

Encore faut-il qu'il joue le jeu. De l'ouverture de la porte au début de l'entretien, j'ai cinq minutes pour qu'ils me fassent confiance. Confiance au point de me dire les échecs, les réussites, les craintes et les espoirs qui les habitent. Si je me manque, ils se refermeront comme des huîtres et je n'en apprendrai rien que les fadaises qu'ils pensent que je veux entendre.

Pari fou! Cinq minutes pour la confiance.

Ne jamais se contenter de ce qu'on veut bien vous donner. Être curieux, vouloir comprendre et chercher à apprendre.

Comment voulez-vous y arriver sans la bienveillance? L'empathie? Ce métier c'est de l’humain. Rien d'autre. L'affect à nu. Faut les entendre, certaines histoires, les prendre en pleine face.

Quand vous recevez la réussite, quand vous recevez la perte, la déchéance parfois,  et être honnête mais sans faire mal – puis il s’agit d’analyser ces émotions, ces vies en quelques mots, factuels, rigoureux.
Et après « Mais recevez-le, Monsieur le client ». Une porte se ferme et c’est à vous de dire « Non, lui ne croît pas en vous ». Mais sans faire mal.

Ma vie, c’est aussi de prendre sur moi cette violence du rejet – le mien ou celui d’autres même pas rencontrés - et d’en faire un « quelque chose » de moins amer.

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