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26 octobre 2011

Exercices de style / Zazie dans le métro, Raymond Queneau

L’auteur en préambule :

 
QueneauQueneau est un bâtisseur de ponts : entre le rêve et la réalité (il adhère au surréalisme de 1924 à 1930), entre la langue parlée et la langue écrite (cf. l’incipit de Zazie…), entre les sciences  et la littérature (entré à la "Société mathématique de France" en 1948, il s'applique à créer des règles arithmétiques à la construction de ses œuvres), le Transcendant Satrape du "Collège de Pataphysique" possède l’ambition encyclopédique : la liste des livres qu'il a lus et souvent relus, établie par lui même, comporte environ 10 000 titres, et une Encyclopédie des sciences inexactes sera refusée par les éditeurs.
C'est Exercices de style, en 1947, qui lui assure son premier grand succès public, puis Zazie dans le Métro , en 1959, lui apporte la consécration : adapté au théâtre et même au cinéma par Louis Malle, l’histoire de cette nymphette déjantée emporte l’adhésion.
L’année suivante, il fondera l’OuLipo avec François Le Lionnais.
Pour la petite histoire, celui qui publiera aussi des poèmes à la fin de sa vie, curieux de tout, s’inspira de l'« Art de la Fugue » de Bach, lors d'un concert avec son ami Michel Leiris pour écrire ses Exercices de style.

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Raymond Queneau, Exercices de styles, collection Folio, Gallimard, Paris 1982 

Une courte saynète racontée de 99 façons différentes. Le livre porte bien son nom puisque la petite histoire ne sera jamais modifiée. Seuls les points de vue, les techniques stylistiques etc... changeront. C'est donc bien un pur exercice littéraire que nous livre Queneau.

Un exercice oui, une prouesse certainement (il faut les trouver, tous ces procédés!), bien que certains textes sentent la nécessité d'arriver au bout des 99 chapitres. Mais ma foi, saluons et l'initiative, et le résultat de cette oeuvre très oulipienne!

Stylo 3

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Texte de base :
"Un voyageur attend le bus, il remarque un jeune homme au long cou qui porte un chapeau bizarre, entouré d'un galon tressé. Le jeune homme se dispute avec un passager qui lui reproche de lui marcher sur les pieds chaque fois que quelqu'un monte ou descend. Puis il va s'asseoir sur un siège inoccupé. Un quart d'heure plus tard le voyageur revoit le jeune homme devant la gare Saint-Lazare. Il discute avec un ami à propos d'un bouton de pardessus".

Composition de mots:

"Je plate-d'autobus-formais co-foultitudinairement dans un espace-temps lutécio-méridiennal et voisinais avec un longicol tresseautourduchapeauté morveux. Lequel dit à un quelconquanonyme : « Vous me bousculapparaissez ». Cela éjaculé, il se placelibra voracement. Dans une spatiotemporalité postérieure, je le revis qui placesaintlazarait avec un X qui lui disait : tu devrais boutonsupplémenter ton pardessus. Et il pourquexpliquait la chose."
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Zazie dans le métro, coll. Folio, éd. Gallimard, Paris 2003.

 
   Zazie, une petite nymphette au caractère impossible, part passer un wekk-end à Paris chez son oncle Gabriel, un colosse transformiste mariér à la douce Marceline.
Mais la petite peste, qui rage de ne pouvoir prendre le métro -comme souvent, en grève!- va les entraîner dans des aventures hautes en couleurs durant son court séjour.

   Le premier mot qui me vient à l'esprit pour caractériser ce livre est sans conteste « ludique ». Ludique dans l'histoire: situations, personnages; l'humour, la dérision et la cocasserie y sont parfaitement décomplexés. Une réjouissance.
Ludique dans l'écriture, ensuite: La parole, oralisée à outrance, les jeux de mots, mots-valises etc... nous offrent un festival de langues et langages totalement loufoques souvent, déconcertants parfois, mais toujours très abordables et légers.
Ludique dans l'idée, enfin, puisque Queneau, « Transcendant Satrappe » de l'OULIPO, se propose encore une fois d'explorer les possibilités de l'écriture en général, mais aussi de son principal constituant en particulier: le langage.
Un livre rafraîchissant, léger et joyeux, qui nous rappellera avec bonhommie et modestie que pour faire de la littérature, il n'est pas toujours besoin d'écrire gravement des choses graves.

 Stylo 4Ligne grise         
          " Oh! vous savez, dit Zazie, toutes les femmes posent pas des questions comme moi.

-Toutes les femmes, voyez-vous ça, toutes les femmes. Mais tu n'es qu'une mouflette.

-Oh! Pardon, je suis formée.

-Ça va. Pas d'indécences.

-Ça n'a rien d'indécent. C'est la vie.

-Elle est propre, la vie.

Il se tirait sur la moustache en biglant, morose, de nouveau sur le Sacré-Coeur.

-La vie, dit Zazie, vous devez la connaître. Paraît que dans votre métier on en voit de drôles.

-Où t'as été cherché ça?

-Je l'ai lu dans le Sanctimontronais du dimanche, un canard à la page même pour la province  où y'a des amours célèbres, l'astrologie et tout, eh bien on disait que les chauffeurs de taxi izan voyaient sous tous les aspects et dans tous les genres, de la sessualité. A commencer par les clientes qui veulent payer en nature. Ça vous est arrivé souvent?

-Oh! ça va ça va.

-C'est tout ce que vous savez dire: « Ça va ça va ». Vous devez être un refoulé.

-Ce qu'elle est emmerdante.

-Allez, râlez pas, racontez-moi plutôt vos complexes.

-Qu'est-ce qu'il faut pas entendre.

-Les femmes ça vous fait peur, hein?

-Moi je redescend. Parce que j'ai le vertige. Pas devant ça (geste). Mais devant une mouflette comme toi."

 

                                                                                                                                             Zazie dans le métro, Chap. VIII,  p.88/89

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