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23 octobre 2011

Violence du murmure

Poème en prose

 

Je suis une fleur « au goût exquis de poison » ; jeune et douce et capricieuse, le monde se tait, lorsque je pose le doigt sur mes lèvres. Je suis bien trop belle ; trop pour être reconnue comme telle, et c’est pour moi, simplement, sauvagement, seulement pour moi que Baudelaire écrivait.

Mon pâle sourire s’éclaire de crocs sanglants, mes yeux de biche dévoilent –au creux de l’ombre et à qui sait les voir- de félines prunelles. Je suis piège, je suis danger, je suis douleur : le monde m’aime, et me désire pour cela.

Araignée prédatrice, à l’odeur douceâtre et mièvre de miel, ma toile est l’univers patiemment tissé, vous serez mes victimes ô combien consentantes. Mante religieuse, comme le feu : dévorante. Approchez jeunes hommes et vieux garçons, il est l’heure de communier.

Avec l’Angélus, c’est votre glas qui sonne. La part de moi en toute femme doucement s’éveillera. Et mon monde idéal et votre monde fantasmé se rencontreront.

Je suis une fleur « au goût exquis de poison ». Vous avez tous mordu à ma chair, et mon sang coule encore de vos lèvres, comme le votre macule ma bouche, éternellement. Ô baiser carmin que nous avons partagé ! Ton souvenir à scellé notre union. Et ma sève coule maintenant dans vos veines, et mon amertume prend possession de vos corps et de vos âmes, de vos êtres !

            Il est l’heure aujourd’hui de tresser, Mesdames, vos chevelures ! Il est l’heure aujourd’hui de retirer, Mesdemoiselles, vos fards et artifices ! Car vous aussi danserez, avec moi, au bal des bacchantes.

Au creux de mon oreille résonnent des paroles que je ne comprends plus. Qui parle et qui rit ainsi en moi ? L’écho sauvage des battements du cœur de la Terre retentit au sein de mes reins. Son pouls se précipite puis revient s’alanguir, calmé, entre mes bras maternels.

Je me sens Eve, et Marie, et Salomé, pécheresse repentie et tentatrice retirée. Ma main, suivant la marée des émotions du monde, s’arme : La bataille approche,  le poing tendu je cours à la victoire. Qui sera mon ennemi ? Je l’ignore encore.

J’entends au loin le cri d’un verre que l’on casse, ou bien peut-être d’une chaîne que l’on brise. Je ne sais, mais la jeune fille est en route.

J’accoure en entendant mon nom, follement crié à l’intérieur de moi-même. Mon esprit, es-tu là ? Est-ce toi qui me demande cette nuit sanglante ? Je porterai  haut ta croix, ton étendard et ta couleur –rouge bien entendu. Réveillons ce peuple endormi et asservi, qui autrefois montait à cheval et jouait de l’arc comme d’autres de la musique, en virtuose. Nous voulons entendre la mélodie du glaive !

Le bruit d’un galop harnaché sur les routes pavées. Comme je l’ai bien choisie, ma reine des peines ! Soucieuse et passionnée, je prendrai plaisir à la soumettre encore, à la briser enfin.

Jolie marionnette, les outils émoussés ne sont plus d’aucune utilité ; soumet leur raison, épuise-toi, offre-les moi, il en est déjà fait de toi.

Je suis une fleur « au goût exquis de poison », on me craint et m’honore, on me fuit et me respecte ; simples mortels, je vous le dis, j’existe, je vis, moi, la sombre Folie.

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