Quand j'écris
Le pourquoi, le comment de mon envie, de mon besoin d'écrire... Comme un prologue à tout ce qui suivra, et tout ce qui a précédé.
L’instant où je vais écrire. L’instant où je vais découvrir les mots que j’ai à crier au monde –sans même les savoir, sans même les connaître, avant.
Je regarde ma page vierge : le vertige. Le réel cède à l’imaginaire : sur ma page blanche, je ne vois plus ce qu’il n’y a pas ; je vois tout ce qu’il peut y avoir. Je la contemple et je pense : « voici la toute-puissance ». La page vierge, la pire des logorrhées : je peux y trouver la plus enflammées des déclarations d’amour, la bordée d’injure la plus haineuse, les descriptions de mille et un paysages ou la plus fervente des prières.
Et la fièvre me prend : sourde et aveugle au monde extérieur, moi si rieuse, si vivante, je suis esclave de cette page qui appelle mes mots, je suis autiste à tout ce qui n’est pas elle et moi, je deviens grave et jalouse. Sa liberté m’enchaîne.
Je perds pied : L’acte d’ écriture est une folie. Je n’existe plus, je me dilue dans tout ce qui pourrait être par la seule volonté de ma plume : je quitte ce qui est, je suis prise dans le tourbillon de l’hypothèse, je me complais dans l’improbable, je pactise avec l’invraisemblable.
Mais je ne peux tout dire, tout écrire : frustration de l’inabouti, de l’inachevé ; je peux faire exister des milliards de mondes, je peux faire naître des milliards de vie, rien qu’en disant : « que cela soit ». Mais je ne suis qu’humaine : il me manque le temps, et le savoir. Terrible paradoxe que d’avoir un pouvoir absolu, et de n’être soi-même qu’un néant en devenir, une somme de limites.
Quand j’écris, j’apprends à la fois l’orgueil et l’humilité. J’entraperçois le Tout mais il est hors de ma portée.
Je ne suis jamais aussi monstrueusement humaine que quand j’écris.